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Où va l’argent des pauvres, Denis Colombi

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Ou va l'argent des pauvres

Où va l’argent des pauvres

Auteur: Denis COLOMBI

Editions Payot et Rivages, Paris 2020, 350p.

Ouvrage qui ne traite pas directement de la Transition, mais de justice sociale, et de participation à la société, ce qui en rejoint indirectement les thèmes principaux.

Lecture conseillée par Jean-Yves, de la librairie JMS, après un échange sur la mobilisation des plus démuni.es pour les initiatives de Transition.

Il s’agit d’une approche sociologique de la pauvreté, dont la thèse principale consiste à trouver dans les origines de la pauvreté…la pauvreté elle-même, c’est-à-dire le manque d’argent ! Apparente tautologie, mais qui devient une évidence à la lecture de ce livre.

Denis Colombi démonte des idées reçues sur la façon dont les pauvres gèrent leur budget, dépensent leurs maigres ressources, lesquels ne se différencient en cela en rien des autres citoyen.nes, leur gestion est très rationnelle, mais chaque « erreur » leur coûte très cher. Ils consacrent un temps important à la recherche du maintien d’un équilibre extrêmement fragile.

Les comportements qui peuvent leur être reprochés (mauvaise gestion de l’argent, irresponsabilité, imprévoyance, dépenses « de luxe ») ne sont pas la cause de la pauvreté, mais soit la conséquence de celle-ci, soit des comportements que l’on retrouve dans toutes les autres couches de la population.

Ce sont le manque de moyens disponibles et les conditions d’existence qui sont les facteurs principaux qui les empêchent de sortir de la pauvreté, et non des qualités qui leur feraient défaut, une « culture », une « nature oisive ».

 » Le maintien d’une fraction de la population dans cette condition permet que des emplois peu valorisés mais indispensables à la société soient pourvus à bas coût « 

De façon évidemment injuste et les enfermant dans leur situation, les pauvres payent de surcroît souvent plus cher pour des produits de moins bonne qualité : la satisfaction de besoins de base les oblige à des crédits à des taux d’intérêt proches de l’usure.

Il est question également de l’utilité sociétale de la pauvreté : « À qui profite le crime ? ». Le maintien d’une fraction de la population dans cette condition permet que des emplois peu valorisés mais indispensables à la société soient pourvus à bas coût, emplois que peu de personnes accepteraient si elles n’y étaient contraintes (à l’instar de nombreuses professions dont certains ont « découvert » le caractère essentiel au début de la crise sanitaire) ; la précarité permet de justifier auprès des salarié.es une rémunération faible, créant le phénomène des travailleur.euses pauvres ; la pauvreté représente aussi une source de revenus importante pour certain.es (la rentabilité de la location de taudis est souvent supérieure à celle de logements de qualité supérieure ; une enseigne qui a heureusement fermé ses portes en France proposait de l’électroménager à crédit avec des mensualités accessibles, mais évidemment pour un coût total de crédit important, et une qualité de produit inférieure…).

 » L’assistance aux précaires ne serait finalement pas destinée à les sortir de leur précarité, mais à maintenir l’équilibre social, la paix sociale. « 

L’assistance en France coûterait « un pognon de dingue »… Il est vrai que les sommes importantes dépensées (autour de 70 milliards d’euros par an) et les politiques publiques menées depuis des années pour lutter contre la pauvreté ne brillent pas par leur efficacité.

On peut mettre en perspective ces dépenses avec les « 300 milliards d’assistance aux riches » (in Alternatives économiques, Jean Gadrey, juin 2018) : cumul de l’évasion fiscale, des niches fiscales, des réductions des taux d’imposition sur les revenus du capital, des impôts sur les sociétés et sur les bénéfices non réinvestis, sur les dividendes

Si certain.es se plaignent régulièrement que la France est le pays qui redistribue le plus par rapport à ses voisins européens, il semblerait toutefois que cette redistribution contribue à réduire le taux de pauvreté d’environ 8 points, et que son niveau soit inférieur à celui de nos voisins. Pas inefficace, mais insuffisante donc.

Denis Colombi termine sur la conviction que traiter la pauvreté ou la maintenir à son niveau actuel n’est pas une question de possibilités économiques, mais de volonté politique. Il esquisse quelques pistes classiques (réforme fiscale, revenu universel). On pourra se référer aux écrits de Thomas Piketty pour des propositions plus détaillées.

 » Les pauvres n’ont pas forcément l’énergie nécessaire, le temps disponible, ni la croyance en leur capacité d’agir sur leurs conditions d’existence. « 

La place d’un tel ouvrage sur un site de Transition se justifie par la nécessité de répondre à la question suivante : comment permettre à des personnes en situation de précarité de participer à des actions de Transition, sachant que notre mouvement a pour but de changer de modèle de développement, au bénéfice de tou.tes et de la planète ? Les personnes pauvres sont évidemment concernées par notre projet et seraient bénéficiaires de ses avancées.

Les actions de Transition sont réalisables sans trop de coûts pour des personnes ayant suffisamment de temps libre disponible grâce à une sécurité financière et une certaine satisfaction professionnelle, et dont le pouvoir d’achat permet de favoriser une consommation écoresponsable.

Les pauvres n’ont pas forcément l’énergie nécessaire, le temps disponible, ni la croyance en leur capacité d’agir sur leurs conditions d’existence.

La Transition doit cependant réunir le plus d’acteur.trices possibles. L’individualisme ambiant, la dégradation des liens sociaux rendent difficile la mobilisation citoyenne pour des actions collectives constructives.

Cette mobilisation ne doit pas se limiter à celle de classes « moyennes ou supérieures », sensibles aux questions environnementales, écologiques et sociales, mais inclure les personnes qui sont les plus importantes victimes des atteintes faites à l’être humain et à la nature. On peut supposer que leur participation, outre le bénéfice que nous en tirerions, pourrait contribuer à favoriser, renforcer en elleux un sentiment de pouvoir, de capacité d’action, pour changer les choses.

Peut-être la lecture de cet ouvrage pourra-t-elle apporter des éléments de réflexion et des idées pour inviter à participer à la Transition celleux qui peuvent se sentir exclu.es.

Cédric ZEITTER

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