Auteur: Geoffroy de LAGASNERIE
Petit ouvrage proposant quelques hypothèses intéressantes sur l’échec des « forces de progrès » à enrayer la marche du néolibéralisme et ses conséquences désastreuses en termes d’inégalités et de destruction de la planète. Il ne traite pas d’écologie, ni d’action municipale ou locale, mais les hypothèses proposées méritent que l’on s’y attarde, car elles peuvent stimuler une réflexion sur les actions potentiellement efficaces pour faire avancer la Transition.
L’échec est attribué principalement au fait que les luttes s’inscrivent dans un cadre politique traditionnel, qui profite au pouvoir en place. L’opposition politique classique ne peut agir efficacement car minoritaire, et les autres modalités d’action comme les manifestations, les débats argumentatifs, les grèves sont improductifs.
Le pouvoir en place ne se laisse nullement convaincre, et est de surcroît tout à fait conscient des conséquences de ses décisions. Il ne pêche en aucun cas par ignorance, et dénie officiellement une réalité qu’il connaît tout à fait et qui lui convient très bien.
L’auteur peut inquiéter par certaines références à des théoriciens de l’action violente comme Günther Anders, qui considère celle-ci comme une réponse légitime à la violence du pouvoir : les décisions du pouvoir mettent nos vies en danger, aussi la notion de légitime défense peut-elle justifier la violence.
Il ne le suit toutefois pas sur ce terrain, en donnant d’autres exemples de ce qu’il appelle « l’action directe », comme celui en particulier celles de Cédric Herrou en faveur des migrants, qui ont amené à ce que le Conseil constitutionnel « constitutionnalise le principe de fraternité ».
Pour ce qui concerne des actions à un moment illégales, il est important d’accepter les conséquences judiciaires (et s’y préparer pour ceux qui y ont recours), pour ne pas oublier l’objectif premier en se concentrant à l’excès sur celles-ci. Le sujet des « violences policières » est à ce titre un bel exemple – même s’il doit aussi être traité – de détournement de l’attention de l’objet principal des manifestations (quand il n’est pas celui de ces violences). Les revendications sociales des gilets jaunes ont été ainsi avec le temps occultées par le traitement médiatique qui mettait au premier plan le sujet des violences lors des manifestations.
La contestation et l’opposition aux décisions du pouvoir en place sont des attitudes de réaction, qui certes peuvent parfois préserver, sauvegarder des acquis (l’opposition au CPE), mais qui ne font pas progresser : on pense victoire alors qu’on a simplement évité une défaite, et on reste sur un statu quo que l’on pensait insatisfaisant auparavant, sans avoir apporté un nouveau projet.
C’est le pouvoir qui impose sa temporalité. Il s’agit donc de lui en imposer une autre.
En ce qui concerne notre action en faveur de la Transition, on pourrait retenir les pistes suivantes :
- l’adressage : ne pas s’adresser à des personnes que l’on n’a aucune chance de convaincre, ni passer du temps à développer des argumentaires qui ne seront pas entendus ; il faut cibler les personnes susceptibles de nous accompagner dans notre mouvement, et compter sur la jeunesse, plus sensible à des mouvements alternatifs, jeunesse qui accédera un jour aux leviers du pouvoir ;
- l’action directe : sans choisir l’illégalité qui ne relève pas de nos valeurs (mais la légalité doit-elle être considérée comme une valeur « en soi »?), elle se traduit par les projets d’action qui nous réunissent dans nos groupes de Transition ;
- « l’infiltration » : appliquer la stratégie qu’ont utilisée les néolibéraux depuis 40 ans, en utilisant « le système » pour orienter les lois à leur avantage ; en l’occurrence, être présent autant que possible dans toutes les instances de décision, diffuser nos idées et agir au sein de toutes les instances qui nous sont accessibles.
L’efficacité ne passe donc pas par la poursuite d’un objectif trop général, abstrait, mais par des actions concrètes, avec des objectifs précis, circonscrits, et atteignables.
Cédric ZEITTER