Auteurs : Bruno Latour et Nikolaj Schultz
Les empêcheurs de penser en rond, Eds. La Découverte, Janvier 2022 – 95 p.
Ce court texte aborde la problématique de la difficulté à faire émerger une « nouvelle classe écologique ». Les rapports alarmants du GIEC et les évènements climatiques majeurs se succèdent, sans que parvienne à s’organiser une action politique à la hauteur des enjeux écologiques et sociétaux actuels.
Les membres potentiels d’un mouvement d’ampleur, d’une « nouvelle classe écologique » sont sans doute très nombreux, mais ne se reconnaissent pas suffisamment entre eux pour se réunir et agir efficacement, malgré l’urgence.
Il est ici encore question de lutte des classes, mais d’une lutte qui ne recouvre plus les classes politiques traditionnelles. L’auteur fait référence à l’analyse classique des conditions matérielles de définition des luttes, qui dans le contexte historique des 19ème et 20ème siècles, se concentrait sur la question des moyens de production. Aujourd’hui, il s’agit de donner la priorité à la question de l’habitabilité de la Terre, de sortir de la logique économique de production sans limites et suicidaire.
Des sacrifices seront nécessaires, mais l’écologie politique ne pourra enthousiasmer si elle reste perçue comme punitive ; elle doit proposer un projet fédérateur, trouver ses alliés au sein des différents courants politiques traditionnels, et pouvoir désigner ses ennemis.
Le cœur de cette réflexion et le point de départ du projet, consiste à sortir de la logique d’extériorisation de la nature considérée uniquement comme un réservoir de ressources, pour réunir le monde dont on vit avec le monde où l’on vit. Il faut aussi accepter que les rapports de propriété soient modifiés, en l’occurrence accepter que nous appartenions à la nature et soyons dépendants d’elle. Accepter cette dépendance est nécessaire pour exercer ensuite notre liberté : ce sont les liens qui libèrent.
L’émergence de cette nouvelle classe écologique est un préalable à la nécessaire conquête du pouvoir, afin d’être en mesure d’agir efficacement sur notre avenir, en préservant l’habitabilité de la Terre pour un nouveau projet de développement humain – ou plutôt « d’enveloppement », basé sur la prospérité et non plus sur la croissance infinie.
« Bien loin d’être une affaire de « bobo diplômé », la classe écologique renoue tout simplement avec l’ancestrale culture de résistance au non-sens de l’économisation qui prétend annihiler les liens anthropologiques. »
Cédric Zeitter